vendredi 31 janvier 2025

Ecoles ménagères patronales à Montceau et au Creusot

 

Deuxième partie

L’école ménagère

L’école ménagère de la Mine à Montceau, école de la 9e Écluse, cours de cuisine vers 1930 (collection musée)

Les écoles ménagères

Elles furent majoritairement d’origine privée : écoles patronales ou associations catholiques principalement. On notera tout de même les quelques tentatives de la Ligue de l’Enseignement, présidée par Jean Macé, à la fin du 19e siècle, ou encore la création d’une école ménagère « ambulante » par le Conseil général de Saône-et-Loire, en 1923 (1). On vit naître aussi des écoles ménagères publiques agricoles dans quelques départements (dont celui du Doubs, école ouverte en 1913 et de la Côte-d’Or) (2). Ces dernières s’adressaient à des jeunes filles de plus de 12 ans, issues d’écoles primaires rurales travaillant déjà à la ferme familiale ; ces jeunes filles pouvaient prétendre à l’obtention d’un Certificat d’instruction ménagère agricole après une formation assurée par des institutrices publiques titulaires du Brevet Agricole Ménager délivré par le ministère de l’agriculture. Voyons ce qu’il en fut dans le bassin Montceau-Le Creusot…

Quand la télévision parlait du métier de mère de famille en 1957


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Dans le Bassin minier, l’école ménagère avait aussi ses objectifs et son utilité. Comme en témoigne Simone Chalot, fille de Jean-Marie Chalot, mineur à ses débuts, maire de Saint-Vallier de 1947 à 1971 : « L’école ménagère [de la Mine] se devait de former des femmes parfaites pour les mineurs. Cela s’inscrit directement dans l’attitude paternaliste du patronat, qui entendait gérer, depuis les parterres de fleurs dans les quartiers jusqu’à la religion. » (Source, J.N. Marchandiau)

La première école ménagère de la Mine à Montceau

Au fil des quartiers, chaque école primaire de filles de la Mine était flanquée d’une salle d’asile (garderie ancêtre de l’école maternelle) et de ce que l’on appelait un « ouvroir », destiné à l’apprentissage de la couture et des travaux ménagers par les jeunes filles. Ces ouvroirs étaient dirigés par les Sœurs de Saint Vincent de Paul et permettaient aux jeunes femmes plus âgées de gagner quelques pécules en travaillant pour le public.  

L’école ménagère de la Mine à Montceau, école de la 9e Écluse, cours de cuisine vers 1930 (collection musée)

Dans le cadre des activités sociales de la Mine, ces ouvroirs se transformèrent en une école ménagère unique, où les sœurs continuèrent d’enseigner jusqu’en 1945, ouverte aux filles ayant terminé leur scolarité obligatoire (14 ans). Cette école ménagère fut installée dans l’ancien bâtiment construit par la Mine en 1865 pour accueillir d’une part les frères et les sœurs de la communauté chrétienne qui logeaient jusqu’alors dans un bâtiment à côté, et d’autre part l’école de garçons de la 9e Ecluse. Derrière, on trouvait les bâtiments de la gendarmerie à cheval, dont les dépendances et les écuries étaient adossées à l’avenue des Alouettes. Après la Grande Guerre, cette école des frères fut donc transformée en école ménagère pour les  filles du personnel de la Mine et les dépendances rénovées devinrent gymnase pour la société « L’Espérance ». Durant la Seconde Guerre mondiale, l’école ménagère fut occupée par les troupes allemandes et les cours furent définitivement transférés dans un autre bâtiment appartenant à la Mine, rue du Bois (proche de l’actuel collège Jean Moulin). 

Ancien bâtiment de 1865 transformé plus tard en Centre d’Education professionnelle pour la Formation de jeunes Mineurs (collection musée)

Le Centre d’Education professionnelle après 1948, au deuxième plan : le puits des Alouettes (collection musée)


Vue actuelle de l’ancienne école de garçons de la Mine de la 9e Écluse (désaffectée vers 1900 après le départ des frères) , rénovée entre 1946 et 1948 pour accueillir le Centre d’Education professionnelle pour la Formation de jeunes Mineurs créé en 1943 dans un baraquement annexe et nationalisé en 1945. Longtemps après cette nationalisation, l’expression populaire parla de cet établissement comme d’une « école de la Mine », ce qu’elle n’était plus. À gauche, l’ancien logement des Frères.



 Plan de la ville de Montceau-les-Mines édité par l’imprimerie Blondel La Rougery (Paris) à partir d’une photographie aérienne de la Compagnie Aérienne Française, en 1925. Plan complet, détails et nomenclature (catalogue BNf.fr)

Sur ce plan de Montceau-les-Mines de 1925, apparaît le quartier de Bel Air créé en 1862, jouxtant le quartier du Champ-du-Moulin et relié au quartier du Bois-Roulot par le chemin de la digue de l’étang du Plessis. Dans ces trois quartiers s’étaient implantées des cités de la Mine, afin de former, à la fin de l’année 1866, le nouveau village du Montceau, appelé à se développer encore, avec 78 logements de mineurs à ses débuts. 

Le tracé routier y est sensiblement différent par rapport à la configuration actuelle, notamment au niveau de l’étang du Plessis. Ses abords ont été rectifiés pour donner naissance au Boulevard de Lattre de Tassigny qui rejoint la 9e Écluse à la Route de Mâcon, à la croisée de Montceau-Blanzy-Gourdon-Saint-Vallier. Le Ruisseau du Plessis, dit le Taboulot (3) passe en souterrain depuis longtemps et le moulin a disparu avec lui. Rue de Gourdon, en face de la rue du Tissage (devenue Avenue Jean Laville) trône désormais le lycée Henri Parriat en lieu et place de l’usine de tissage (n°28 sur le plan). Dans les années 50 fut déplacé le cimetière de Bel Air vers le cimetière du Bois Roulot déjà existant et sur cet espace libéré se sont implantés le Monument des Fusillés, Déportés et Résistants, le « bloc » de Bel Air et la Résidence Les Peupliers.

Sur ce détail du plan agrandi, près du cimetière, à l’angle de la rue du Bois et de la rue de Bel Air (actuelle rue Jean Bouveri), à gauche se trouve la nouvelle gendarmerie construite par la Mine vers 1886 (n°7 sur le plan) aujourd’hui disparue et remplacée par le gymnase du collège Jean Moulin, comme nous l’avons vu dans un article récent (2). À droite se trouve un bâtiment en « L » avec une annexe qui n’existe plus, appartenant à la Mine, dans lequel, en 1943, on installera l’école ménagère de la 9e Écluse. Appelée « école ménagère » dès sa création en 1918, elle prendra, en 1980, le nom pompeux de « Lycée professionnel privé des Houillères du Bassin de Blanzy ».  


Ancien bâtiment de l’école ménagère rue du Bois (google.fr)

On y trouvait trois classes ainsi qu’une partie du bâtiment réservée aux cours pratiques de l’enseignement : couture, cuisine et plus tard, puériculture. Ce lieu accueillait aussi la fête et l’exposition de travaux de fin d’année. Une directrice et plusieurs sœurs y ont enseigné dès la création et jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Le personnel devint laïc mais toujours privé, après la nationalisation de 1947.

Fête de fin d’année à l’école ménagère de Montceau, vers 1960 (écomusée)

L’industrie minière et bonnetière du bassin minier ne nécessitait pas une main d’œuvre très qualifiée et employait par ailleurs du personnel jeune, y compris féminin, issu d’une scolarité courte, longtemps assurée par la Mine elle-même. Entre les deux guerres, la majorité des embauches se faisait dès 14 ans. On a vu dans un article précédent, que dans les écoles et collèges publics de filles, on donnait bien aux fillettes, depuis les années 1880, un enseignement ménager en rapport avec leur futur devoir de mère de famille en essayant de développer chez elles, des notions d’ordre, d’économie, de savoir-faire dans l’entretien du foyer, mais ce n’était qu’en complément d’un enseignement général rigoureux.

Pour entrer à l’école ménagère de la Mine, donc, il fallait avoir terminé sa scolarité obligatoire, scolarité qui, logiquement, aurait dû  être sanctionnée par l’obtention du précieux Certificat d’études primaires. Seulement voilà, le taux de réussite à l’examen était de 25 % vers 1900, 35 % vers 1920, pour atteindre péniblement les 50 % à la fin des années 30. On peut supposer qu’un nombre important de jeunes filles désireuses d’entrer à l’école ménagère n’était pas pourvu du fameux sésame. On contrôlait donc à l’inscription le niveau atteint par ces demoiselles en leur imposant un « examen d’entrée » qui mesurait l’acquisition des savoirs fondamentaux (dictée, calcul…) sans toutefois en faire un barrage infranchissable... Les titulaires du Certificat, quant à elles, rentraient par la grande porte, comme le précise Ginette P. dans son témoignage.

« Je suis rentrée à l’école ménagère de la Mine en 1944… »

(Témoignage de Ginette P.)

Ginette, née en 1930, fut scolarisée à l’école de Bellevue, à Montceau et pour bien comprendre son parcours, quelques précisions s’imposent. Ces deux écoles (filles et garçons) de part et d’autre de l’église, furent construites en 1880-1881. Elles furent agrandies jusqu’en 1890 et leur fut adjoints une salle d’asile, un ouvroir et une salle de patronage. Elles devinrent écoles publiques et louées en 1907 par la commune de Montceau, avant d’être acquises définitivement par elle en 1962, année où j’y étais moi-même en Cours préparatoire (chez Monsieur Juillard), puis en Cours élémentaire première année (chez Monsieur Pernette). Les anciens asile et ouvroir sont restés quant à eux propriété de l’Association Diocésaine d’Autun, de même que la salle de patronage. Pour l’anecdote, l’asile devint alors une école maternelle privée dite de l’« orphelinat » (puisqu’elle accueillait les pensionnaires du foyer proche créé par le curé Beraud) et c’est là que ma mère m’inscrivit pour mon unique année de maternelle avec Mademoiselle Dravers comme maîtresse. L’ouvroir devint une aumônerie. Beaucoup d’enfants du quartier, suivirent le même cursus que moi, de même que notre retraite de communion se déroula dans la salle du patronage qui, plus tard, fut louée par les Houillères du Bassin du Centre et du Midi, à un marchand de matériaux de construction ! 

« On habitait rue de Chalon où mon grand-père y avait un atelier de charron, mon oncle Philippe Chambiet y était artisan menuisier et son épouse Lucienne boutonnière (elle fabriquait des boutons à domicile). Tous les jours, je remontais la rue de Bellevue pour aller à l’école de filles. J’allais aussi au patronage tenu par les sœurs. Ce sont elles qui m’ont orientée vers l’école ménagère de la Mine en 1944, quand j’ai eu mon certificat en poche. J’étais un peu livrée à moi-même à cette époque où mon père, communiste et syndicaliste était parti se cacher au maquis. Je suis partie seule pour m’inscrire dans cette école que les sœurs m’avaient vantée. On y rentrait pour 3 ans. Les cours avaient lieu toute la semaine, 3 heures le matin et 3 heures l’après-midi, sauf le jeudi et le dimanche. 

Fête de fin d’année à l’école ménagère de Montceau, vers 1960 (écomusée)

Chaque fin d’année, une fête était organisée pour présenter nos travaux aux familles et c’était l’occasion pour les 2e année de recevoir un Certificat d’enseignement ménager. La troisième année était une année de spécialisation en vue d’un apprentissage du métier de bonnetière qui permettait l’embauche dans les usines locales, les filles travaillaient en classe à partir de commandes des usines. La directrice, Mademoiselle Grandmaison, était très sévère, de même que les sœurs qui assuraient les cours. Nous avions des cours d’hygiène, de ménage et de nettoyage, des cours de lavage et de repassage, des cours de couture, de crochet et de broderie, des cours de coupe, de raccommodage et de confection, des cours de cuisine, des notions d’éducation maternelle. On nous préparait aussi à des tâches plus en lien avec la bonneterie locale : par exemple manier l’aiguille à « remailler » comme une vraie « remailleuse » ! 

À l’époque, je commençais à aller au bal avec quelques copines, le dimanche après-midi, quelques fois au «Thibourin », ce qui n’était pas du goût des sœurs qui me menaient la vie dure avec des remarques permanentes. Tant et si bien qu’à la fin de la première année, à la suite d’une dispute, je décidais de quitter l’école. Je fus immédiatement embauchée à l’usine de chaussettes Florentin de Bellevue, j’avais 15 ans. Cette dernière se trouvait à l’angle de la rue Jean Longuet et de la rue du Bois (en face de la rue de Bellevue), un grand bâtiment qui allait devenir plus tard la supérette Pons. La réponse ne s’est pas faite attendre, peu de temps après, Mademoiselle Grandmaison n’admettant pas de perdre des élèves, mauvais point auprès des responsables de la Mine, avait sommé la sœur responsable de mon départ, de me « récupérer », ce qu’elle a fait, avec la promesse d’une « scolarité » plus douce. Je suis donc repartie à l’école ménagère où j’eus désormais un traitement de faveur. C’est donc en 1946 que j’ai passé mon examen de sortie et j’ai été reçue 5e sur 32. Je me souviens avoir tiré au sort en couture : la confection d’une brassière, et en cuisine : la préparation d’un bœuf rôti cocotte… Je me souviens que ma meilleure copine avait tiré la confection d’une robe qu’elle avait réussie et la préparation de croquettes de pommes de terre qu’elle avait ratée, on lui avait alors ordonné « mangez-les ! ». Je n’ai pas fait de 3e année, j’ai été embauchée dans une usine de Montceau comme « remailleuse-bobineuse » en 1946. » Témoignage recueilli par P. Pluchot.   

Brassière réalisée pour l’examen (collection musée)

« à la rentrée 1956 mes parents m’ont inscrite à l’école ménagère… »

(Témoignage de Thérèse G.)

« L'entrée de l’École ménagère de la Mine se trouvait en bas de la rue du Bois, face au grand mur de la gendarmerie, (actuel gymnase du collège Jean-Moulin).

Fille d'un père immigré polonais chargé de nourrir sept enfants, j'ai fréquenté l'école primaire de Saint-Vallier jusqu’au Certificat d’Études, et à la rentrée 1956 mes parents m’ont inscrite à l’École ménagère. Pourquoi ? C'était la mode, à cette époque. Les parents un peu plus francisés dirigeaient leurs filles vers le Cours complémentaire, d'autres filles enfin partaient à Lyon pour devenir bonnes à tout faire dans des familles aisées.

 J'ai donc rejoint la rue du Bois avec de nombreuses copines presque toutes filles de mineurs, pour devenir une parfaite ménagère une fois mariée. Tel était le but de cette institution de la Mine. On ne nous imposait pas une tenue spéciale. Des professeurs femmes, qu'on appelait des monitrices, rémunérées par la Mine, nous enseignaient, en plus de matières traditionnelles (français, calcul, etc.), la couture, le repassage, le raccommodage, le repassage et la broderie. Je me souviens de Melle Descartin (la directrice?) et de Melle Auboeuf. Chaque classe regroupait une trentaine d'élèves.

Salle de cuisine de l’école ménagère de Montceau, vers 1930 (écomusée)

Il n'y avait pas à proprement parler d'atelier de couture avec des machines, c'était presque uniquement du travail à la main, nous devions savoir  raccommoder,  confectionner une boutonnière, le point devant, le point derrière, recoudre un bouton, repasser avec un fer électrique.... On cousait sur des pièces de tissus mais on pouvait aussi se confectionner des petits vêtements, comme un tablier avec deux poches. Au programme également: de la broderie, mais pas de tricot, l'essentiel était de savoir raccommoder car à cette époque il fallait repriser les chaussettes, aussi les robes et même les pantalons, c'était le stoppage.

Les cours nous occupaient chaque jour de 8h à 12 h, sauf le samedi, avec des repas pris à la cantine avec de la nourriture préparée sur place dans d'énormes chaudrons. Chaque semaine nous proposait un créneau pour les pratiques sportives: courses à l'extérieur autour des bâtiments, parties de ballon dans la grande cour de l'école.

Je ne me souviens pas des punitions, à vrai dire la discipline n'était pas très sévère, beaucoup moins en tout cas que celle de l’école primaire avec les coups de règle sur le bout des doigts. Les monitrices connaissaient bien leur partie, ces anciennes ouvrières voulaient nous inculquer l'amour des travaux domestiques.

Il régnait une bonne ambiance, très bon enfant, pour l'essentiel il n'y avait pas d'histoires entre ces filles de mineurs, pourtant un drame a marqué ma scolarité. Nous avions une camarade, algérienne ou marocaine, elle s'appelait Mohamed me semble-t-il, eh bien son père voulait la marier de force avec un type beaucoup plus âgé qu'elle, résidant de l'autre côté de la Méditerranée. La pauvre, âgée de 14 ans, refusait, et pleurait dans la cour. Un jour elle disparut, forcée de rejoindre son "fiancé".

La plupart des élèves restaient à l'école pendant trois ans, mais moi ça ne me plaisait pas trop, dès le début je l'ai ressenti. Au bout de deux ans, au lieu de faire la rentrée 1958 à l'école, je suis rentrée chez Garnier-Luneau, et pendant deux ans j'ai suivi des cours du soir au collège: sténo, dactylo, me familiarisant avec un  autre métier et d'autres contacts avec les gens. Mon diplôme en poche, je suis partie à Paris comme secrétaire. » In « La vie quotidienne des élèves du Montceau, des années 50 à 1968 », Jean Marchandiau.

L’école ménagère Schneider au Creusot


(cnum.cnam.fr)

Pavillon du Creusot, Établissement Schneider et Cie, Exposition universelle de 1900 (musée Carnavalet)

L’exposition universelle de 1900 amena, pour la première fois, l’enseignement ménager sur le devant de la scène, en proposant un espace dédié dans le pavillon de l’école et en proposant une image idéalisée de cet enseignement déjà largement développé dans de nombreux pays. Les conférences organisées autour de cette thématique éveillèrent l’intérêt des dirigeants Schneider qui avaient dressé pavillon à Paris et qui entrevirent l’apport social que constituerait cette initiative patriarcale dans le milieu industriel creusotin. L’idée fit son chemin et, en 1906, Madame Schneider fonda la première école ménagère au Creusot.

Le succès fut immédiat et, devant la demande et le nombre croissant des élèves, la Compagnie créa une seconde école en 1909, une troisième en 1910 et une quatrième en 1912. Ces écoles, contrairement à l’école ménagère de Montceau, eurent des visées pédagogiques ouvrant des perspectives, à l’image des écoles spéciales Schneider pour les garçons, adaptées aux besoins de l’industrie locale et qui pouvait former de l’ouvrier au cadre, alors que les écoles de la Mine ne menaient qu’au fond des puits. 

Cet ouvrage (non signé) présente les "bienfaits" apportés par les Schneider à la population du Creusot. Véritable bible du paternalisme (picclik.com)

Ces écoles ménagères creusotines eurent la particularité de dispenser plusieurs degrés d’enseignement : des cours ménagers pour les fillettes de 13 à 15 ans ; des cours « d’adultes » pour les plus de 16 ans ; des causeries ménagères pour les vraies adultes. On voit bien qu’en ce début de siècle, alors que la Compagnie des Mines perdait son emprise sur la société montcellienne, les « Schneider » renforçaient leur œuvre patronale et tenaient de main ferme, les rennes de la société creusotine.

La compagnie organisa méthodiquement son enseignement ménager privé en s’inspirant d’expériences menées dans d’autres pays, notamment en Belgique et en Suisse. À la suite de leur instruction primaire, les écolières désireuses d’entrer à l’école ménagère devaient avoir un niveau suffisant pour pouvoir uniquement se consacrer à ce nouvel enseignement. Chaque cours ne comprenait que 24 élèves, avec des maîtresses et du matériel en rapport. Si on excédait ce nombre, une nouvelle section devait être ouverte.

L’école ménagère au Creusot : le cours de cuisine (lecreusot.com)


L’école ménagère au Creusot : le cours de coupe (lecreusot.com)

Une formation durait 2 ans, avec 6 heures de travail par jour, sauf le jeudi et le dimanche. Les programmes comprenaient les principes de la tenue d’une maison : économie domestique, hygiène, cuisine, nettoyage, raccommodage et confection de vêtements, lavage, ménage, etc… Des cours de jardinage et de comptabilité ménagère venaient compléter le tout.

À l’issue des deux années, un examen était organisé et un Certificat d’enseignement ménager était délivré. Chaque fin d’année donnait lieu à une exposition des travaux des élèves. Cette organisation sera reprise à l’école ménagère de Montceau. La compagnie organisa en plus des cours d’adultes, assurant les mêmes matières une fois par semaine, le jeudi, pendant un an. Les causeries ménagères instituées en 1911, quant à elles, ne concernaient que des jeunes femmes, souvent déjà en ménage, dont le temps était compté. Elles avaient lieu un dimanche tous les 15 jours, pendant 1 heure et demie et comportaient des cours théoriques et des démonstrations pratiques d’économie domestique, d’hygiène et d’éducation maternelle.


L’école ménagère au Creusot : le cours de repassage (lecreusot.com)


L’école ménagère au Creusot : le cours de jardinage (lecreusot.com)

Chaque élève devait tenir des cahiers qui seraient conservés par elle comme aide-mémoire à l’avenir. La Compagnie confia la direction de l’ensemble de ses écoles ménagères à la plus ancienne et la plus dévouée collaboratrice de la Comtesse Jeanne de Diesbach de Belleroche, fondatrice de l’Association de l’enseignement ménager. Elle assura des conditions matérielles satisfaisantes : des locaux clairs et aérés, un outillage important, chaque groupe comprenant une salle de couture munie de machines à coudre, une salle de repassage, une cuisine avec office, une buanderie avec séchoir, un jardin, équipements et locaux entièrement à  ses frais. L’enseignement et les fournitures y furent évidemment gratuits. Mais laissons la conclusion à Jeanne de Diesbach :

« Et dans tout cet enseignement l'on cherche à montrer aux jeunes filles la répercussion morale, sur la vie d'un ménage, des choses matérielles ; l'on cherche aussi à développer en elles les qualités de droiture, de bonne humeur, d'égalité de caractère, de gentillesse, qui font d'une femme, dans l'existence de chaque jour, la joie rayonnante du foyer et le  premier gage du bonheur.(..) Se contenter de peu, voilà la sagesse et la vérité ; mais, ce peu, vous voulez avec raison qu'on l'améliore de facile confort, qu'on l'embellisse même d'humble luxe. À merveille. La salade est meilleure, parée de fraîches capucines. » 

Les potions amères aussi…


L’école ménagère au Creusot : le cours de lessive (lecreusot.com)


L’école ménagère au Creusot : le cours de couture (lecreusot.com)

Sources :

-       Documentation musée et écomusée.

-       Une école ménagère ambulante en Saône-et-Loire en 1923, Conseil départemental 71.

-       Économie sociale et écoles ménagères, le site lecreusot.com/site.

-       Edition électronique de l’INRP : inrp.fr/lodel/dictionnaire-ferdinand-buisson.

-       « La vie quotidienne des élèves du Montceau, des années 50 à 1968 », Jean Marchandiau.

-       Témoignages oraux recueillis par le Musée de la Maison d’École.

-       Fonds Gillot : https://musee-ecole-montceau-71.blogspot.com/2024/01/contexte-social-et-origine-des-ecoles.html#more

Patrick PLUCHOT

(1) ;

« Longtemps réclamée par le Conseil général, une école ménagère ambulante voit le jour en 1923 en Saône-et-Loire. Son but ? Donner, sur place, aux jeunes filles de plus de 15 ans une instruction agricole et ménagère qui leur servira à tenir une maison avec ordre et à collaborer à la bonne conduite d'une exploitation rurale. Itinérante, l'école ouvre sa première session à Lugny où elle fonctionnera pendant quatre mois du 11 mars au 11 juillet 1924. Parmi les enseignements au programme figurent des cours de cuisine, de repassage, de couture, d'économie domestique, d'hygiène ou encore de puériculture.

Ainsi compris, l’enseignement ménager a une portée qui ne saurait échapper à personne et il peut rendre à toute jeune fille, « quelle que soit sa condition », les plus inappréciables services. En lui donnant le goût de ses occupations, il lui en révèle la beauté et aussi la grandeur ; il l’accoutume à réfléchir aux éventualités du lendemain, et à placer l’idéal de sa vie « là où il doit être ». Par là il est un levier d’instruction professionnelle, de formation morale et d’éducation sociale : « La science du ménage est, pour la jeune fille et pour la femme, un préservatif contre l’ennui, le plus dangereux ennemi du foyer. Celle qui aime les travaux domestiques trouve les journées trop courtes et ne cherche pas au dehors des distractions et des plaisirs quelquefois funestes ; ses occupations, les affections et les joies de sa famille lui suffisent. Or, pour aimer ces travaux, il faut être capable de les bien remplir, il faut y avoir été de bonne heure, non seulement limitée, mais habituée » disait Mlle Degruelle, directrice de l'école pratique de jeunes filles de Rouen. Et remarquons-le bien, cet enseignement n’est indifférent à aucune femme, quelle que soit sa condition sociale. Comme la femme du peuple, la maîtresse de maison a besoin de se rendre compte de l’économie de son intérieur, de l’hygiène de son habitation et des soins que réclament ses enfants. Aujourd’hui, comme du temps de Mme de Maintenon, « les femmes font et défont les maisons ».

Mais combien cet enseignement est-il encore plus nécessaire aux jeunes ouvrières ! Par suite des transformations économiques modernes et du développement de la grande industrie, beaucoup de femmes et de jeunes filles sont détournées de leurs occupations naturelles. Cela constitue une sorte de danger social qui atteint profondément la famille ouvrière entière. Voici, en effet, une famille composée du père, de la mère et de plusieurs enfants en âge de travailler. Supposons que la mère reste à la maison, ce qui, hélas ! N’est pas toujours vrai. Le père, les garçons et les filles partent le matin à l’usine, reviennent pour le repas de midi, et ne rentrent définitivement que le soir, pour le souper. Les filles, absentes tout le jour, n’ont donc pas l’occasion de se former, même approximativement, même incomplètement, aux travaux de l’intérieur, ni d’apprendre leurs devoirs de bonnes ménagères. Vient l’époque du mariage, ignorant tout de la tenue d’une maison, la jeune femme ne peut s’acquitter de sa tâche ; les repas sont mal préparés et mal ordonnés ; les vêtements mal soignés, durent moins, la maison, mal entretenue, est moins saine et d’aspect moins agréable ; les ressources provenant du gain du mari sont gaspillées ; si des enfants naissent, ils sont élevés au hasard, sans que la mère se préoccupe de leur donner des soins physiques et moraux rationnels. Dès lors, le mari, qu’aucun attrait ne retient plus au logis, prend le chemin du cabaret où achèvent de disparaître les ressources du ménage. C’est la gêne, sinon la misère. Alors, les discussions commencent, l’affection disparaît de part et d’autre, le lien familial est dissous et les enfants, en grandissant, n’ont plus sous les yeux que les plus tristes spectacles.

Nous nous excusons d’avoir esquissé, après tant d’autres, un pareil tableau, qui n’est que trop fréquent, hélas ! Dans les milieux ouvriers. Mais on reconnaîtra avec nous qu’en présence d’un mal social, si grave par ses conséquences, nul ne doit rester indifférent. Il faut agir, et puisque la famille ouvrière moderne ne peut plus être un centre d’éducation ménagère pour les jeunes filles, l’école doit y suppléer de la façon la plus large et plus variée possible. Il faut donc que nous apprenions à nos ouvrières l’amour du foyer, la pratique d’une sage économie et les moyens d’assurer à ceux dont elles auront la charge, c’est-à-dire à leur mari et à leurs enfants, une alimentation saine et variée, un logement agréable et hygiénique.

Distribuons largement l’enseignement ménager : que toutes nos jeunes filles, selon l’expression de M. Vieillot, soient préparées aux devoirs qui les attendent dans la vie ; qu’elles puissent toutes devenir des ménagères éprouvées et de bonnes mères de famille et songez aux bénéfices de toute nature que la société en retirera ! L’enseignement ménager, tel que nous l’envisageons, sera un auxiliaire indirect, mais puissant, dans la lutte contre l’alcoolisme, en assurant l’hygiène de la maison, en enseignant à la femme l’art d’orner et d’embellir sa maison, de rendre le logis attrayant, il contribuera à y retenir le mari et à l’éloigner des cabarets néfastes… D’autre part, si le logis est sain, si la mère est instruite de la façon rationnelle d’élever les enfants, la mortalité infantile diminuera. Elle a diminué, déjà, grâce aux progrès de l’hygiène générale ; mais combien pourrait-elle diminuer encore, si la maison était plus salubre, et si les mères savaient…

Et ce n’est pas tout. En mettant la femme à sa vraie place, en lui enseignant tous ses devoirs, comme ménagère, comme mère, l’enseignement contribuera à assainir le milieu familial en faisant régner la bonne entente entre les parents, car si des discussions éclatent souvent par la faute de l’homme, elles naissent souvent aussi du désordre de la femme, de son manque de soin sur elle-même ou dans la maison, ou de ses dépenses excessives.
La bonne harmonie régnant dans la maison, les enfants n’auront plus sous leurs yeux ces exemples démoralisateurs que donnent les familles désunies ; le foyer sera un milieu sain où les bonnes semences, jetées par les parents et les maîtres, germeront et se développeront pour le plus grand bien de la moralité générale du pays. »
In Le problème de l'enseignement ménager, extraits d'une communication de M. Labbé appartenant au Conseil supérieur de l'enseignement technique, 1922.

(2) :


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(3) : Le mystère du « Taboulot » raconté aux plus jeunes : https://musee-ecole-montceau-71.blogspot.com/2023/02/visite-guidee-en-pays-noir.html annexe 4.


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