« Petite histoire d’un écolier
d’autrefois expliquée aux enfants
d’aujourd’hui »
CHAPITRE II
« N’oublie rien… »
« Bon sang, il ne faut pas que
j'oublie de ramener une noix pour la classe..." une noix,
certes, mais quoi d’autre ? Un
cartable bien sûr ! "Quelques jours avant la rentrée des
classes, on m'acheta un beau képi neuf, on me fit faire de beaux sarraus noirs
pour aller à l'école; on m'acheta un sac d'écolier, un beau sac neuf, jaune, en
toile et en cuir avec des dessins, et une courroie en cuir glacé; on m'acheta
des beaux crayons neufs à un sou, des beaux porte-plumes neufs, et de belles
plumes neuves." (Témoignage). A la fin du XIXme siècle, les
enfants étaient souvent munis de musettes en toile confectionnées par la
famille plutôt que d'un cartable, c’était le cas de Jules. Les écoliers
issus d'un milieu plus aisé possédaient une sacoche ou un cartable en cuir
parfois lui-même protégé par une housse en tissu. Après la seconde guerre mondiale
apparaîtront les cartables de confection industrielle en carton bouilli qui ne
faisaient que rarement la "carrière scolaire" de l'enfant,
contrairement à leurs solides ancêtres.
Bien évidemment, le cartable contenait
une panoplie d’ustensiles indispensables à la bonne marche des choses. La
traditionnelle ardoise, par exemple, qui était composée d'un cadre en bois
rainuré dans lequel était fixée une pierre d'ardoise véritable. La couleur
grise de ce support permettait une écriture au crayon d'ardoise ou plus tard à
la craie. Une des faces de l'ardoise était lisse et, sur l'autre, était gravé
dans la pierre un quadrillage. Le crayon d'ardoise, le plus souvent utilisé par
les élèves, était un petit cylindre de tôle emboutie de la taille d'un
porte-plume dans lequel on enfilait une mine d'ardoise elle aussi, et qui
laissait une trace plus claire lorsqu'on la frottait sur l'ardoise pour écrire.
Plus tard, avec le modernisme, apparaîtront des modèles beaucoup moins fragiles
: carton noir serti dans un cadre en plastique... Adieu la mauvaise surprise de
retrouver, à la suite d'une bagarre ou d'un jeu, son ardoise brisée dans le
cartable de retour à la maison.
On trouvait aussi dans le cartable de
Jules un plumier. Que son
couvercle soit à glissière, à rotation ou à charnières, le plumier a longtemps
accompagné l'élève à l'école. Il fut de fabrication familiale ou artisanale,
plus ou moins façonné et décoré. De bois brut ou vernis, parfois orné de délicates
peintures, il renfermait des trésors et des secrets... Plus tard, le bois,
matériau noble et rigide s'il en est, sera supplanté par l'arrivée
des trousses "molles" et de fabrication industrielle peu coûteuse.
A l’intérieur de ce plumier devait
obligatoirement se trouver le porte-plume, terreur des gauchers qui, s’ils
furent « contrariés » et forcés d’écrire de la main droite jusque
dans les années 30, n’y gagnèrent guère au change quand ils purent enfin
prendre leur main gauche. La plume ne posant aucun problème quand elle est
tractée par la souplesse d’une main qui glisse vers la droite, se met soudain à
se cabrer et se planter quand elle est tenue par une main gauche qui la pousse
dans cette direction. Elle se détend alors et exprime son mécontentement par
une gerbe de taches, esthétique pour un artiste en herbe mais intolérable pour
un maître ! "Placer le porte-plume entre les trois premiers
doigts, sensiblement arqués, sans raideur... le quatrième et le cinquième
doigts, légèrement repliés, serviront de point d'appui à la main... descendre
le majeur à la partie inférieure du porte-plume... tenir la hampe de celui-ci
dirigée vers le bord externe de l'épaule droite..." (Instructions
Officielles). La hampe de bois, de corne ou de plastique du porte-plume
était emmanchée sur une virole métallique, elle-même utilisée pour sertir
momentanément une plume à son extrémité.
La plume... objet de toutes les
souffrances et de tous les malheurs comme nous l’avons évoqué. Malgré une rude
concurrence, rien ne put détrôner la « Compagnie Française des plumes,
porte-plume et crayons » fondée en 1836, ni sa fameuse plume
"Sergent-Major". Une profusion de modèles permettait de pallier
toutes les éventualités (pour les gauchers bien sûr, mais aussi pour les
"laboureurs", pour qui la force primait la souplesse...). L'écriture
a souvent été qualifiée de "discipline des ânes" du fait du
peu de réflexion qu'elle nécessitait, elle conférait malgré tout plus tard à
ceux qui la maîtrisaient, une qualité et une aptitude aux métiers
"d'écriture" (entendre "de copie"...).
Le cartable, généralement, avait son
compagnon de route : le sac à goûter. De nombreux enfants, parcouraient
des distances considérables pour se rendre en classe, ce qui ne leur permettait
pas de rentrer au logis pour prendre le repas de midi. Munis d'une musette,
d'un panier ou d'une gamelle en fer ou en tôle émaillée, les écoliers
arrivaient des hameaux environnants pour la longue journée à l'école. Les
paniers et les gamelles contenaient un frugal repas : une soupe (au lard dans
le meilleur des cas), une pomme, du pain... et c'est le poêle qui, après avoir
donné sa douce chaleur durant la matinée, servait à réchauffer les
"soupes". Avec la création des cantines disparurent ces restaurations
de fortune mais subsistèrent les sacs à goûter qui contenaient un casse-croûte
que les écoliers avalaient entre la fin des classes de l'après-midi et l'étude
surveillée du soir. Il n'était alors pas rare dans les villes ou les villages
de voir certaines mamans attentionnées apporter à la grille de l'école un
morceau de pain garni de chocolat à leur enfant dont l'absence de la journée
leur pesait...
P.P
A suivre…
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